Episode 4 : Indonésie – Papouasie
5 jours chez les Papous, passionnant, extraordinaire
Pour rappel, la vidéo est disponible en suivant ce lien : https://youtu.be/i09KITDoIYo
ou directement ici :
Préambule
Cet article et la vidéo se complètent, l’un donne des clefs de compréhension, l’autre donne à voir et permet, j’espère, de se laisser porter par l’atmosphère.
Synthèse
En préparant la 3ème et dernière saison de mon tour du monde de l’hémisphère sud, j’ai lu ceci « On reconnaît mondialement l’Île de Papouasie pour sa richesse culturelle et ses traditions ancestrales et tribales ». La décision de la visiter a été prise d’emblée.
Initialement, j’avais décidé de visiter la Papouasie Nouvelle Guinée mais la consultation du site du Ministère des Affaires Étrangères m’a convaincu que c’était beaucoup plus prudent de visiter la province Papouasie Indonésienne, partie occidentale de la Papouasie & Nouvelle Guinée.
Les Papous forment le principal groupe ethnique de Papouasie et qui rassemble plusieurs peuples différents comme les Dani, les Lani, les Asmat ou les Korowai. Plus de 400 ethnies différentes sont dénombrées.
Mes cinq jours se sont déroulés dans le centre montagneux de l’ïle dans l’immense secteur de Wamena. J’ai soigneusement recherché un guide qui sorte des organisations touristiques avec des « acteurs » qui présentent des simulacres d’affrontements ou des fêtes du cochon « à la demande ». Mes rencontres ont été celles des amis de Welly dans un mode simple et rustique.
Par l’intermédiaire de Welly qui parle l’anglais et la langue Dani occidentale, nous avons eu des échanges très intéressants sur les modes de vie, les coutumes, la vie de famille dans la concession, … Mes interlocuteurs ont aussi été curieux de mon mode de vie même si je leur ai apparu « surprenant » (dixit Welly).
Ça a été pour moi une expérience extraordinaire. Il s’agit d’un peuple premier qui a conservé une partie de son mode de vie traditionnel basé sur une osmose avec la généreuse nature avec laquelle ils vivent en harmonie. Et j’ai eu l’immense privilège d’en rencontrer et d’échanger avec eux.
Je remercie vivement Welly.
C’est parti ! @marclegroux
La Papouasie, contexte
La Papouasie s’étend sur 81 049 km2 et sa capitale est Jayapura. Elle possède une extraordinaire diversité linguistique et culturelle, elle ne représente que 0,1% de la population mondiale mais 15% des langues connues.
Sa population est estimée à 1 020 190 habitants (2021), sa densité de 13 hab./km2 est mille fois inférieure à celle de l’Île de Java.
La diversité géographique est immense ; ses récifs abritant 75% des coraux durs mondiaux, ses forêts comprenant 50% des espèces végétales et animales d’Indonésie et plus de 400 dialectes y sont parlés. Cette province, la plus récemment rattachée au pays, s’appuie sur des traditions tribales millénaires.
Les Papous, les habitants de la Papouasie (Indonésienne), sont en lutte contre le gouvernement pour obtenir leur indépendance. Il est dit qu’il y aurait un policier pour cent habitants, ce qui me semble très exagéré. Depuis 1961, l’organisation pour la libération de la Papouasie (OPM – Organisasi Papua Merdeka) mène une guérilla de basse intensité (elle n’a pas le choix de faire autrement).
Compte-tenu de l’éloignement et de la nature très accidentée de la Papouasie, le niveau de vie global est largement inférieur dans cette région qui s’estime très largement défavorisée, déclassée et laissée pour compte. Le taux de chômage des jeunes, notamment, est très élevé.
La langue officielle est celle de tous les Indonésiens à savoir le « bahasa indonesia » mais, bien sûr, les Papous pratiquent avant tout leur langue maternelle. La langue papoue la plus parlée est le Dani occidental, qui compte environ 180 000 locuteurs. La langue austronésienne la plus parlée dans cette région est le « biak », qui compte environ 30 000 locuteurs.
Très peu de Papous parlent l’anglais. Welly, femme guide Papouan réputée, m’a guidé pendant ces cinq jours. Ce rôle de guide et de médiateur a été capital.
Les papous sont en majorité, 83 %, de confession chrétienne, 65 % protestants et 18 % catholiques. La minorité musulmane est de 16 %. Les pratiques animistes et les rituels traditionnels sont encore très présents, notamment parmi les communautés autochtones.
Le système éducatif s’impose normalement à toutes et à tous. Il est réparti en 3 niveaux de 6 ans à 17 ou 18 ans : école élémentaire, classes juniors, haute école. Les études sont payantes, environ l’équivalent de 180€ par semestre. Pour les élèves très éloignés, il existe des pensionnats.
Peuples premiers
Je démarre par cette citation du National Geographic : « Mis à part le Brésil, l’île « Papouasie » est l’endroit du monde où se trouve le plus grand nombre de populations non contactées ». Ce sont des groupes humains qui demeurent coupés du monde. Ce sont des peuples premiers qui ont conservé un mode de vie ancestral.
NB : depuis le début de ce blog, j’ai adopté le terme de « peuples premiers ». Wikipédia propose une liste de synonymes « aborigène, peuple premier, peuple racine, première nation, peuple natif.
Les Papous rencontrés pendant ces 5 jours « sont contactés », toutefois, leur mode vie s’appuie sur des traditions ancestrales.
C’est avec une grande curiosité, excitation et envie que j’ai lu beaucoup de documents et échangé avec Welly – guide Papoue, pour rédiger cet article. Ce fût un des grands moments de ce tour du monde de l’hémisphère sud.
En préambule, citons que l’Australie, voisine, aurait été peuplée par des migrations venant du continent asiatique il y a environ 4000 ans. Il semble que ce soit un groupe d’Homo sapiens venus d’Afrique, le berceau de l’humanité, il y a 60 000 à 70 000 ans. Ces migrations étaient possibles car le niveau de des mers était plus bas qu’actuellement.
Les éléments connus à ce jour montrent que les Papous descendent des premiers habitants de la Nouvelle-Guinée, arrivés à une époque (aux alentours de la dernière glaciation, soit il y a environ 21 000 ans, période où l’île était reliée au continent australien. Les Papous étaient semi-nomades.
Les Papous commencent à pratiquer l’agriculture vers 7 000 av. J.-C. Ils cultivent la canne à sucre et des racines. Il se peut qu’ils domestiquent également le porc vers cette époque. Vers 3 000 av. J.-C., l’agriculture papoue maîtrise l’eau pour l’irrigation.
Il y a 5 000 à 6 000 ans, le niveau général des mers est remonté pour atteindre la situation actuelle, coupant ces populations du continent asiatique, en créant des bras de mer plus importants.
Par ailleurs il y a 5 000 ans, des habitants du littoral de la Chine du Sud, cultivateurs de millet et de riz, commencent à traverser le détroit pour s’installer à Taïwan. Puis des migrations s’opèrent de Taïwan vers les Philippines puis, vers 1 500 ans, des Philippines vers l’actuelle Papouasie. Ces Austronésiens apportent aux habitants du littoral des techniques, notamment dans la navigation, leur langue, et créent la civilisation de Lapita.
En 1660 la VOC – Compagnie néerlandaise des Indes orientales-, installée depuis 1605 aux Moluques ne s’intéresse pas à île de la Papouasie. Ce n’est qu’en 1828 que les Néerlandais fonderont un fort sur la côte sud.
NB : les Moluques sont un archipel situé au nord de l’Indonésie, d’une superficie terrestre de 74 500 km2.
La côte nord de la Papouasie est ainsi devenue une mosaïque linguistique dans laquelle se juxtaposent des langues austronésiennes et des langues dites « papoues ». C’est aussi une mosaïque de morphotypes Papous que j’ai pût constater lors de mon séjour.
La région centrale montagneuse de la Papouasie occidentale, celle où j’ai rencontré les Papous, est l’habitat des populations des hautes terres qui élèvent des porcs domestiques et cultivent des patates douces. Les populations des basses terres vivent dans les régions côtières, marécageuses et impaludées, où elles chassent un gibier abondant et cueillent des végétaux sauvages.
Pendant longtemps, le monde extérieur ne connaît de la Papouasie que le littoral, « Papous » désigne donc initialement les habitants des zones côtières.
Ce n’est que dans le dernier quart du XIXe siècle que les Européens commencent l’exploration de l’intérieur de l’île. Entre 1905 et 1910, des contacts sont établis avec des populations marginales des hauts plateaux de l’intérieur. Les vallées de l’intérieur et leurs populations ne sont « découvertes » que dans les années 1920-1930. Par extension, les habitants de l’intérieur sont également appelés « Papous ».
Actuellement, certaines langues des peuples premiers sont apparentées entre elles mais d’autres sont complètement distinctes les unes des autres. Les populations papoues sont ethniquement différentes des Indonésiens qui contrôlent leur pays.
Aujourd’hui, les Dani, que j’ai rencontré dans les environs de Wamena, explorées dès 1938, constituent le groupe ethnique papou le plus connu des Occidentaux. Ils comptabilisent environ 110 000 membres, ils cultivent le taro et la patate douce et pratiquent l’élevage de porc. Ils habitent dans des hameaux clôturés, formés à partir de quelques huttes rondes, appelés « honai ». Leur mode de vie reste ancestral, tout comme leurs habitudes « vestimentaires » notamment l’étui pénien des hommes.
Au nombre de 130 000 âmes, les voisins Lani défendent leurs spécificités : installation sur des terres plus abruptes et plus élevées, langue distincte et différences dans l’habillement
- Exceptionnellement, je cite quatre ouvrages qui vous permettront d’approfondir ces paragraphes :De Corrado Ruggeri
- De Jørn Riel « La faille »
- De Stéphane Dovert « Le cannibale et les termites »
- De Tony Saulnier « Les Papous coupeurs de têtes. 167 jours dans la préhistoire et publié en 1960 »
Verbatim
Tout au long de cette semaine avec les Papous, j’ai noté des expressions et remarques captées au fil des rencontres :
- Ici, il n’y a pas encore de « circuits Instagram » ;
- Ici, l’autarcie est la règle première de vie dans une nature généreuse ;
- Les portes sont basses et j’en porte les stigmates ;
- Ici, entre 1600 et 2000 m. la chaleur est plus supportable et les nuits plus fraîches ;
- Ici, par souci d’œcuménisme, il y a des jours fériés pour les musulmans, les Chinois et les fêtes chrétiennes ;
- Ici, les hommes gèrent le feu les femmes la cuisine et les hommes contribuent à la préparation des repas ;
- Ici, dans l’une des concessions, Welly s’est émue qu’il y’a ait autant de bout de plastique alors que les jardins sont très bien entretenus ;
- Ici, la coca – feuilles machées à longueur de journée – chère aux populations Andines est remplacée par une association fruit amer, extrait de coquillage, plante à l’allure d’asperge.
- Ici, les Papous se sentent dévalorisés, mal traités, déclassés
- Ici, la vie est chère, il y a le coût du transport très long en bateau et très cher par l’avion, une province immense, des moyens de communication nécessitant de gros moyens (4×4) ;
- Ici, de Wamena au centre de la province, il faut 7 jours en camion pour remonter à la Jayapura, la capitale de la province ;
- Ici, les jeunes sont désœuvrés, passée la période de scolarité obligatoire, au-delà du travail au champ, le travail se fait rare
- Ici, il y’a un policier pour 100 habitants car les Papous rejettent l’état indonésien et réclament leur indépendance.
Au fil de la découverte
Préambule
Volontairement, la description des itinéraires et des villages rencontrés n’est pas précisée. La seule indication est que nous sommes partis de Wamena. L’objectif de cette discrétion est de préserver l’approche de tourisme communautaire assurée par des guides en relation avec les villageois.
Je déconseille fortement aux occidentaux de visiter par eux-mêmes ces régions, ne serait que parce que la communication avec les Papous nécessite la connaissance de la culture et de la langue.
Conscient de l’intérêt porté à leur culture, certaines communautés Papous se sont organisées pour recevoir des touristes dans une approche de tourisme rural équitable. Des huttes sont libérées ou dédiées à l’accueil des touristes. Ces logements sont en général spartiates : terre battue recouverte d’herbe sèche, paillasses, sanitaires minimums. J’écris équitable dans le sens où les villageois sont rémunérés pour l’accueil et le logement et Welly, dans son rôle de guide, apporte de la nourriture.
Des agences se sont développées pour proposer des séjours courts mais très chers pendant lesquelles des « acteurs Papous » viennent dans les villages pour faire des simulacres de combats, faire des fêtes du cochon hors saison et déguiser les touristes en Papous. Ça ressemble beaucoup à ce qui proposé par certains des villages Massaï en Tanzanie et Kenya.
Vous l’aurez compris, ce n’est pas mon truc.
A l’instar de ce que j’avais fait en pays Massaï en Tanzanie où j’avais trouvé une guide Massaï qui m’en a dit beaucoup sur les très mauvaises conditions des femmes, j’ai cherché une solution au plus proche des Papous et de leur condition normale de vie. À force de chercher, j’ai trouvé l’agence de Welly, guide Papouan certifiée, et qui gère son affaire toute seule dans un mode très proche des villageois qu’elle connaît depuis de longues années. Mes rencontres ont été celles des amis de Welly dans un mode simple et rustique.
Déroulement
Je rapporte ici quelques faits :
Lors de deux repas consécutifs, nous avons recensé plus de vingt ingrédients d’origine locale et tous au parfait niveau de maturité : fruits de la passion, avocats, oignons nouveaux, carottes, tarot, patates douce « normales » patates douces au gout de châtaigne, coriandres, bananes, fraises, haricots, tomates, citrons verts, petits oignons, œufs, ananas, riz, nouilles de riz, sagou (une fécule alimentaire extraite de la pulpe du tronc du sagoutier, un type de palmier).
Le nombre de cochons et la taille du « jardin potager » sont significatifs du niveau de richesse. Comme ça l’est pour d’autres : le nombre de chameaux (Egypte), le nombre de bovins (Madagascar, Massaï, …). Le chef de l’un des villages qui nous a accueilli était riche d’un beau cheptel, d’un grand jardin, il avait 2 femmes et était très d’allure fière, il portait un bel étui pénien. Je n’adhère pas du tout à cette polygamie, je préfère, et de loin, la vision complémentaire homme-femme des peuples andins.
Le temps des repas est long et les repas sont très animés. Il est difficile de reconstituer les liens qui unissent toutes les personnes qui passent une tête dans la hutte cuisine. Globalement, je me suis régalé des différents repas. Peut-être que je me serais lassé de ces feuilles qui ressemblaient à des épinards, au gout amer et filandreux.
Comme en Amérique du Sud et en Afrique Australe, le smartphone est omni présent.
Il ne m’a pas semblé que tous les enfants que j’ai croisés étaient scolarisés.
Merci à Lise Cailleteau pour sa relecture.
Marc @marclegroux.
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