Pour rappel, la vidéo est disponible en suivant ce lien : GTA de Marc Legroux
ou directement ici :
Introduction
Cet article documente la GTA (Grande Traversée des Alpes) par l’itinéraire dit “classique et intégral ” du Léman (Saint Gingolph en Suisse) à Nice qui emprunte uniquement et strictement le GR5.
Cette grande traversée a été pour moi, un trait d’union qui relie des massifs déjà visités ; le Mont-Blanc, le Beaufortain, la Vanoise, le Queyras, le Mercantour, …
Pour cause de contraintes professionnelles, les 21 journées et demie, de marche se sont réparties sur deux années, une semaine en juillet 2020 et deux semaines en juillet 2021. Ce fut un plaisir d’enchainer les 27 647 m. de dénivelé positif, les 683 kms, de monter jusqu’à 3072 m. à la Pointe des Fours.
A l’itinéraire classique GTA-GR5, j’ai ajouté 3 variantes, pour le fun :
- Le Col du Grand Fond et vallon du Presset, pour saluer l’équipe du refuge du Presset et pour la vue de cet endroit magique,
- La Pointe des Fours pour s’élever à plus de 3000 m.,
- Le Col de Furfande puis le vallon de Furfande et son refuge éponyme c’est un lieu chargé de beaucoup de souvenirs.
Cette traversée s’est faite en semi-autonomie (ravitaillement tous les 2-4 jours) et essentiellement en solitaire sauf une journée et demie pendant laquelle mon fils Simon m’a rejoint et a capturé des images avec un drone.
Motivations
Comme je le dis dans la vidéo, “Au sortir du confinement en juillet 2020, après 4 mois d’hyper sollicitations, j’ai éprouvé un immense besoin de déconnexion, de nature et de solitude. Depuis longtemps j’avais l’idée de tracer le trait d’union entre ces massifs déjà visités ; Mont-Blanc, Vanoise, Queyra, Mercantour, … La Grande Traversée des Alpes est extraordinaire.”
Mon immense besoin de déconnexion, de nature et de solitude a été largement assouvi et même au-delà de mes attentes.
La solitude a été choisie et non subie, de plus j’ai été régulièrement en lien avec mes proches. Comme le dit Bruno Perrier dans la vidéo, la solitude permet de très agréables moments méditatifs. En plus, la solitude permet une grande attention et concentration sur l’instant présent qu’offre la montagne.
Impressions du marcheur solitaire
J’ai vécu ces 3 semaines (en deux “saisons”) en forte immersion avec toutes les composantes de la montagne et des sens très à l’écoute du milieu.
Les souvenirs visuels arrivent en premier avec des paysages à la fois variés et grandioses, la vue sur le massif du Mont-Blanc du Col d’Anterne est sans doute le plus majestueux et plus spectaculaire. Je m’y suis arrêté longuement pour gouter le plaisir de cette vue si large sur le vue Nord du massif et le Mont-Blanc dominant en son centre.
En ces périodes de juillet, les odeurs étaient très présentes que ce soient les fleurs, notamment celles du Queyras, les travaux pastoraux tels que les foins, ou l’arrière-pays niçois sur la fin de la traversée.
J’ai été très attentif aux sons de la montagne, les insectes et oiseaux, les ruisseaux et torrents, le vent et la pluie, les orages, … constituent autant d’indications sur le milieu, la vie et sur la montagne. Ces bruits renseignent le marcheur toujours plus ou moins aux aguets. J’ai adoré lire le paysage à l’aune de ces sonorités si riches de diversité et d’intensité.
Même si j’ai croisé nombre de marmottes et pas mal de bouquetins, la faune s’est laissée désirer que ce soit, par exemple, les grands rapaces ou les chamois.
La présence des randonneurs est très variable, sur la partie commune avec le Tour du Mont-Blanc, c’est une densité trop forte pour moi et j’en deviendrais presque misanthrope. En revanche dans l’Ubaye, j’ai dû passer une journée complète en ne croisant que 2-3 personnes. L’échange avec les montagnards qui vivent et travaillent est facile et agréable, le marcheur, notamment quand il est solitaire, y reçoit un accueil très chaleureux et la conversation s’engage facilement. Le long échange avec Rémy Soulas, berger, (voir la vidéo) a été un point d’orgue, de ces instants qui réchauffent le cœur.
La rencontre de GTAistes et souvent l’occasion d’un bel échange, voir pour s’en convaincre l’interview de Bruno Perrier qui a des mots très justes sur la marche solitaire.
Physiquement, la marche a été agréable même si au-delà de journées à 1800 / 2000 m. de dénivelé positif, le corps ne répond plus aussi bien. Pour les deux “saisons”, les entrainements marathons et la préparation complémentaire pour la marche m’ont permis de prolonger les marches tard dans la soirée. L’autonomie m’a aussi permis de régler la fin de chaque étape au meilleur compromis entre le niveau de fatigue et la qualité de l’environnement de l’étape.
Orientation & trace
Le GR5 ne présente pas de difficulté d’orientation, et je n’ai quasiment pas eu à consulter les 4 topo-guides achetés et emmenés avec moi en version numérisé (fastidieux travail réalisé par mon épouse).
L’application iPhiGéNie de l’IGN qui embarque toutes les couches de cartes de la France au relevé cadastraux et images satellites, m’a permis de vérifier que j’étais bien là où je pensais être. C’est un outil très performant et très économe en batterie si on prend soin de télécharger les cartes avant le départ.
Je n’ai chargé aucune trace sur mon application, je ne voulais pas passer mon temps rivé sur mon application à être sûr que j’étais bien au bon endroit. A plusieurs reprises je me suis trompé, le plus souvent par inattention : discussion avec un randonneur, plongé dans des pensées, erreur d’interprétation d’un balisage, …
En revanche, j’ai créé une trace de ma traversée avec ma montre Garmin Forerunner 935. Outre la trace, l’application associée fournie beaucoup de données collectées au fil de la marche (voir ci-dessous le tableau de cette trace).
Géographie (de premier niveau)
Le chemin offre une grande diversité dans un cycle classique des étages de la montagne (de haut en bas) :
- Etage Nival : minéral / lichens
- Etage Alpin : pelouses alpines, landines, Landes
- Etage Sub-alpin : pins Cembro-Mélèze-Epicés, Pins à crochets
- Etage Montagnard : hêtres Sapin, pin sylvestre
- Etage Collinéen : Chataigner, Charmes, Chênes sessile-pubescent, Pins d’Alep, Chêne vert
La vie dans les vallées est trépidante et leur traversée moyennement agréable et puis viennent les montées avec un environnement de plus dégagé pour devenir minéral.
La vidéo fait largement référence nombreux cols qui jalonnent les journées.
La Haute-Savoie est très habitée, la Vanoise est un magnifique écrin, j’adore le Queyras, l’Ubaye est très calme, le Mercantour est exigeant et l’arrière-pays niçois plus escarpé que je ne l’avais prévu. Les réserves naturelles ou parc nationaux : Aiguilles Rouge, Contamines-Montjoie, Vanoise, Mercantour, … sont une bénédiction. Les stations de sport d’hiver, même si j’en suis un adepte, sont comme une scarification du milieu naturel (ex. le passage par Tignes).
J’ai pris un grand plaisir à choisir le lieu de bivouac au plus haut que me le permettait la morphologie du terrain et ma capacité à y accéder en fin de journée, l’étape au Lac Saint-Anne en est un très bon exemple d’une soirée exceptionnelle.
Hébergement
L’hébergement s’est réparti comme suit :
- 9 nuits en tente, une toile et un sol mais pas de chambre pour réduire le poids
- 8 nuits à la belle étoile avec le sur-sac posé sur le sol
- 2 nuits en refuge : Entre le Lac (soirée avec Fred, un pot du CAF37 et mon fils), l’Arpont (gros orage) et 1 nuit en auberge
Les nuits à la belle étoile m’ont bien sur procurées les meilleures sensations. La voûte céleste est superbe, parfois même inquiétante de densité. Les réveils (fréquents) en milieu de nuit sont toujours des instants magiques.
Tableau des étapes
Le tableau des étapes est “brut”, ce sont principalement les données fournies par la montre Garmin en relevé “Randonnée” que je démarrais lors du premier pas le matin et que j’arrêtais le soir à l’étape.
Il est important de noter que je n’ai pas coupé par le GR55 dans la Vanoise, ce que font bon nombre de randonneurs qui font la GTA mais pas par le tracé « classique » GR5. Ce raccourci leur fait gagner environ 2 jours de marche. Le tracé GTA-GR5 dit classique (voir l’article de trek magazine) passe par Tignes puis Val d’Isère et remonte ensuite dans le Vanoise vers le Nord (Refuge du Plan du Lac) pour redescendre au sud (Refuge de l’Arpont) cette descente Nord-Sud est sublime.
- “Jour” : la première étape, démarrée en début d’après-midi à St Gingolph est considérée comme une demi-étape ce qui fait 21 journées et demie au final
- “Temps dépl” : temps de déplacement calculé par la montre Garmin, il s’agit du temps en mouvement (marche), les temps de pauses sont donc décompts
- “Kms” : total de la marche de la journée
- “D+” : dénivelé positif
- “D-” : dénivelé négatif, il est à noter que la soustraction des deux indique bien que le Léman est plus haut que la Méditerranée
Chacun pourra estimer comment il se situe en fonction de ces tableaux de marche en prenant en compte : un chemin bien balisé, des pauses régulières, des longues marches d’un pas assez lent à la montée et rapide dans les plats et descente, un équipement permettant l’autonomie (couchage, nourriture, eau, …), un équipement photo et vidéo (plus de 100 prises vidéo sur l’ensemble de la traversée) et un marcheur qui se rapproche des 60 ans.
Il est à noter que certaines étapes ont été vraiment longues ; 12:07 de marche effective auxquels s’ajoutent les temps de pause, de prises vidéo, de préparation du départ et de bivouac du soir.
Les journées qui cumulent dénivelé (D+) supérieur à 2000 m. et plus de 30 kms sont exigeantes.
Finalement, l’étape la moins confortable a été le J-19 avec un dénivelé négatif de 2443 m. qui m’a causé une périostite tibiale qui m’a fait souffrir jusqu’à l’arrivée à Nice.
NB : les traces GPX de chaque étape sont disponible sur demande.
Équipement
En synthèse :
- Un sac permettant un portage confortable (pour 10h00 de marche) de 15 kg (le poids a oscillé entre 10 et 14 kg, des batons de marche (dont l’un sert aussi de pied photo), une hard-shell 3 couches que je porte très souvent, un sur-pantalon Goretex (nb : je n’emporte jamais de poncho mais plutôt un grand sac poubelle découpé).
- Une tente 1 p. sans chambre, un sac de couchage duvet 0° confort (-5 extrême), un sur-sac (pour la belle étoile), un matelas gonflable
- 2,5 l. d’eau, pastilles pour purification en cas de doute, Lyophilisés pour quelques jours, réchaud, gamelle, nourriture des ravitaillements, barres de céréales
- Sécurité : sifflet, boussole, couverture de survie, lunettes glacier, 2ème smartphone, pharmacie, couteau Suisse, mousqueton, cordelettes, …
- Effets personnels dont une doudoune chaude pour les soirées
La photo ci-dessous donne une vision complète de l’équipement :
La liste du matériel version longue est : Equipement GTA (format xls).
Quelques avis et retours d’expérience
- Sécurité : communication, urgence
Bien que le GR5-GTA traverse des régions largement habitées, la communication avec un GSM est très réduite, largement moins de 50% du temps selon mes observations. Même sur les services d’urgence du 15, 17, 18, 112, 114 en mode multi-opérateur, en cas d’urgence, il ne faudra pas compter sur le téléphone pour appeler les secours. Pour le randonneur solitaire immobilisé, il n’y aura d’autre solution que d’attendre le passage d’un randonneur. Ce qui suppose de ne pas s’être écarté du chemin.
Un soir où j’ai craint mettre fait une entorse je me suis inquiété du sujet. Après différentes recherches et échanges avec des randonneurs avertis ou des guides, je me suis acheté une balise satellitaire qui inclut la possibilité d’un abonnement à un service d’urgence 24/24 sur tous les continents (sauf arctique et antarctique). C’est cher mais la sécurité a-t-elle un prix ? - Sécurité : crampons, pilote, corde, …
Je ne pense pas avoir trouvé la bonne solution, comme le montre la vidéo, un modeste névé peut s’avérer très dangereux. Pour monter au col des Fours, je me suis retrouvé à mi pente dans un névé complètement glacé et des pieds qui se dérobaient sur la glace … Depuis j’ai acheté un piolet hyper light, il pèse 240g., je ne sais si je j’emmènerais lors d’une prochaine grande traversée, il y a aussi des crampons d’un point équivalent, à voir… - Autonomie électrique
C’est un point très important de garantir cette autonomie. J’avais fait le choix de ne pas emmener de cartes papier et de numériser les topo-guides. J’ai été autonome avec un capteur solaire qui alimente en permanence une batterie (power bank) de 5000 mA ou les accus de l’appareil photo. Ce capteur assure la recharge : des batteries de l’appareil photo/vidéo, le smartphone, la montre, la frontale.
Tout à bien fonctionné sauf une fois où après 3 jours très peu ensoleillés j’ai été obligé de faire une pause dans un refuge pour recharger. - Optimiser le transport de l’eau et l’alimentation
Au fil de l’eau 😉 j’ai optimisé le volume transporté, l’eau est très présente dans les Alpes.
De même pour l’alimentation, j’avais emporté trop de sachets de nourriture lyophilisée et de barres de céréales.
Par Marc Legroux