Episode 5 : Kilimandjaro – Au coeur de l’expédition
Pour rappel, la vidéo est disponible en suivant ce lien : https://youtu.be/azUppeCNbaM
ou directement ici :
Préambule
Cet article et la vidéo se complètent, l’un donne des clefs de compréhension, l’autre donne à voir et permet, j’espère, de se laisser porter par l’atmosphère.
Introduction
Cet article décrit de manière détaillé l’expédition Kilimandjaro.
Pour information, le Kilimandjaro est situé au Nord-Est de la Tanzanie. C’est le plus haut massif du continent africain. Son sommet, le Uhuru Peak culmine à 5 895 m. d’altitude. Il est mondialement connu par sa calotte glacière sommitale très photogénique.
Le Kilimandjaro est protégé par le parc national éponyme créé en 1973. Son ascension ne peut être tentée qu’avec une équipe structurée de guides, porteurs, cuisiniers et un permis d’accès (payant).
Pudique, il ne se laisse pas voir facilement, notamment en saison des pluies (mars – avril). Il aime à se lover dans les nuages.
Mercredi 13/03 – jour 0 : préparation
Je suis (trop) confortablement installé au Springlands hôtel où je suis arrivé après la journée passée avec Séréa, la guide Massaï. Le contraste entre les deux mondes est trop intense pour moi. Et puis, tous ces serveurs zélés qui guettent la dernière bouchée à peine levée pour enlever l’assiette, ça me prend le chou.
Faustin, notre guide pour l’expédition vient à ma rencontre. La première impression est très bonne. En premier lieu, Faustin est souriant, détendu, curieux. Et puis, nous échangeons en anglais de manière très fluide. Après les difficultés d’échanges rencontrées en Tanzanie, je pousse un « ouf » intérieur de soulagement.
Faustin me fait une rapide description des sept jours prévus. Nous enchaînons avec le débriefing pour le lendemain. Simon et moi prendrons le petit-déjeuner à 7h30, Faustin viendra vérifier chaque item de notre équipement et, à 8h00, nous le compléterons en passant par le magasin de location de l’hôtel.
Simon vient de Paris en direct, il arrive à l’hôtel à 23h00. Un poulet-frites lui est servi, nous lançons plusieurs sujets de conversations, nous avons plus d’une semaine pour aller au bout. Nous démarrons par le sujet d’actualité qui est le marathon de Barcelone de Simon et son temps de 3h04, record personnel qui appelle un moins de 3h00.
Jeudi 14/03 – jour 1 : de Machamé Gate à Machamé Camp
Nous avons longuement bavardé, la nuit a été courte mais d’un sommeil du juste.
Nous démarrons le programme, comme prévu, l’équipement est conforme en tous points. Comme prévu, il doit être complété par quelques locations. Notamment les fameux sacs de couchage qui ne sont pas au top, nous y reviendrons dans la suite du récit. Chacun de notre côté, avec fébrilité, nous préparons nos deux sacs à dos, celui de la journée et celui plus gros transporté par les porteurs.
Nous signons le registre de départ qui sera régulièrement vérifié par les rangers du Parc National.
Nous montons dans le bus où toute l’équipe nous attend. A savoir Faustin Bura – le guide, Jastine – assistant-guide, Daniel – cuisinier, Frank – serveur et les porteurs, Rafael, Khalid, Ramadan, Hamisi, Dennis et Mohamed.
C’est parti ! Un hourra monte dans le bus. Faustin, nous décode ; toute l’équipe est enchantée de partir travailler pour 7 jours, ils nous remercient.
Nous faisons un dernier arrêt pour prendre les 3 litres d’eau par personne et des gourdes homologués Parc National. Les bouteilles en plastique sont interdites pour contribuer à la maîtrise de la pollution.
Sur la route vers la porte d’entrée Machamé, les cultures sont luxuriantes ; bananeraies, plantation de café, champ de manioc. Nous montons en altitude et l’environnement est de plus en plus de type tropical humide.
Vers 11h00, nous passons sous la porte « Kilimandjaro – Route Machamé – 1800 m. ». Les porteurs s’affairent à se répartir le matériel sous l’œil attentif de Faustin. Simon et moi devisons et prenons des images et vidéos.
Top départ à 11h26. Le mot d’ordre est « polé polé » qui veut dire « doucement doucement ». Nos deux guides n’auront de cesse de nous le rappeler.
Nous sommes à couvert dans une vraie forêt tropicale, humide et chaotique. Très vite nous dépassons les 2000 mètres d’altitude, il fait frais. Le chemin est rocailleux et plutôt raide, sans excès, il n’y a pas de passages délicats.
Le dialogue avec l’assistant guide est délicat, nous découvrons qu’il ne nous comprend pas quand nous lui posons des questions en anglais. Il nous répond quand même mais, ça n’a qu’un lointain rapport avec la question. C’est à la fois ennuyeux pour l’expédition mais aussi désopilant.
La lunch-box est copieuse.
La pluie menace et finit par venir nous envelopper d’une humidité moite. Simon a laissé son vêtement de pluie dans le gros sac, il est vite ruisselant. De mon côté, ça va beaucoup mieux avec ma veste trois couches renouvelée récemment.
Faustin, resté à la porte du parc pour gérer l’expédition, nous rejoint et nous pouvons converser dans de bien meilleures conditions, en d’autres termes, c’est le jour et la nuit.
La montée nous a offert quelques clairières et de beaux points de vue. Nous marchons « polé polé ».
Nous arrivons au Camp Machamé, 05h40 de marche (pauses incluses), D+ 1245 m., altitude max. 3071 m.
NB : D+ signifie dénivelé positif, c’est la somme des mètres en montée.
Nous sommes ravis de ce premier jour, le rythme lent est inhabituel mais nous arrivons frais comme des gardons. Nous nous posons sur des marches au soleil ce qui permet de sécher les artefacts humides.
Nous sommes 7-8 groupes à nous installer. Chaque groupe est constitué de 2 guides, d’une dizaine de porteurs / cuisinier et de 2 voire 3 touristes. Comme pour le chemin des Incas au Pérou, c’est très standardisé.
Notre tente est installée et un thé nous y attend dans l’abside. C’est beaucoup plus confortable qu’un bivouac en autonomie.
Rapidement Franck nous apporte le dîner : une excellente soupe en entrée, du poisson pané accompagné de pommes de terre et de légumes verts et de petites bananes en dessert.
Nous sommes proches de l’équateur, les jours et les nuits sont proches des 12 heures. Nous nous apprêtons à vivre de longues soirées-nuits. Pour cette première soirée, Simon regarde un film, j’écris ce texte, je lis quelques articles de journal sur mon smartphone.
Nous pourrions être au calme mais il se trouve que deux voisines asiatiques ont oublié qu’elles n’étaient isolées que par une toile de tente. Elles parlent si fort que même les porteurs s’en émeuvent. Après une heure de leurs croassements et après une première semonce vocale en anglais qui n’a eu aucun effet, je vais secouer vigoureusement leur tente et vociférer, elles sont tellement surprises qu’elles se taisent jusqu’au matin.
Je dois vous parler d’un détail pratique. Faustin nous a imposé de boire au moins trois litres d’eau par jour. En ajoutant l’eau du thé et des aliments, ça fait quatre litres de liquide. Hé bien nous allons nous lever deux, trois, quatre fois par nuit pour nous soulager. Si vous en êtes d’accord et par pudeur, dans la suite de ce récit, nous parlerons de « sortie étoile ».
Vendredi 15/03 – jour 2 : de Machamé Camp à Shira Camp
Nous sommes réveillés par le jour vers 6h00 et levés vers 6h45.
Nous devons ranger rapidement nos sacs et matériels car les porteurs s’empressent d’organiser le portage.
Le petit déjeuner nous est servi rapidement : thé, porridge, petite omelette, crêpes et mangues.
Faustin a envie que nous partions assez vite, sans doute à cause de la pluie qui se manifestera probablement dans l’après-midi.
Assez vite, la végétation baisse en taille, les arbres sont chétifs et colonisés par de la mousse. Nous sommes montés d’un étage alpin. Le chemin est plus raide et plus escarpé que la veille. Nous avons de plus belles vues lors des belles éclaircies. Les nuages sont bas et habillent les massifs.
Avec Simon nous conversons au rythme du « polé polé ». Quand Faustin nous rejoint nous bavardons avec lui.
Nous arrivons au camp Shira, 5h12 de marche (pauses incluses), D+ 940 m., altitude max. 3944 m.
Le camp est dégagé en cette basse saison touristique. Faustin nous informe qu’il n’y a que 30% de la place occupée, c’est beaucoup « plus calme » qu’en saison pleine de juillet à septembre.
Le déjeuner est déjà prêt : fruits, spaghettis, sauce à la viande et thé. Nous entamons une petite sieste.
Simon et moi avons mal à la tête. Nous sommes passés très vite d’une basse altitude – de 0m. pour Simon et 800 m. pour moi – à 3840 m. Il n’y a pas de doute, ce sont les premiers symptômes du Mal Aigu des Montagnes (MAM). L’exercice de montée-descente prévu cet après-midi devrait nous permettre de faire progresser notre acclimatation. Dans un premier temps, nous nous reposons et augmentons notre consommation d’eau.
Un brouillard frisquet s’est installé, nos guides ne sont pas très vaillants pour la séance d’acclimatation. Nous partons pour une toute petite ascension, par plus de vingt minutes aller et dix pour le retour avec une pause « en haut ».
Nous sommes à 3800 m., il fait froid, je me change. Outre la montée-descente, plusieurs bols de thé ont contribué à l’acclimatation, le mal de tête se dissipe.
Le brouillard a laissé sa place à la pluie, une ombre passe autour de la tente pour resserrer les cordes.
Le repas nous est servi : riz, quelques condiments et macédoine tiède. Simon n’est pas séduit par ce dîner.
La nuit s’annonce froide, le sac de couchage North Face réputé -36° est un faux, je me rhabille. J’ai les pieds glacés.
Nous avons parfois une connexion réseau GSM (j’ai une carte simm de Tanzanie) voire le Wifi dans certains camps. Quand elle existe, la connexion est très erratique. Simon dépense pas mal d’énergie dans le froid pour échanger avec Blandine.
Albert Londres – Marseille port du sud – me tient compagnie, son style est particulier, passionnant, mais difficile à suivre.
Samedi 16/03 – jour 3 : de Shira Camp à Barranco Camp
Je me réveille en pleine nuit, pour une énième sortie aux étoiles, le froid s’est installé.
Mes pieds sont toujours aussi frigorifiés et j’ai froid. Les sac-de-couchage est nul. Pour essayer de compléter mon équipement de nuit, je fais du ramdam et réveille Simon qui maugrée. Il y a de la glace sur la tente, il doit faire aux environs de moins cinq dehors. Je trouve une paire de chaussettes de laine et positionne ma doudoune sur mes pieds. Je ne retrouve le sommeil qu’au lever du jour.
Stupeur, quand je me réveille le matin, j’ai 4 doigts de pieds tout blancs et sans aucune sensitivité. C’est grave. Pendant un quart d’heure je frictionne pieds et doigts de pieds, ça revient mais ils sont encore glacés. À force, le sang réapparaît timidement et la sensitivité revient progressivement. Simon me donne deux chaufferettes qui produisent du 40° après 10 minutes d’ouverture, je sens que c’est bon. Ouf !! Ça n’a l’air de rien mais on a vite fait de compromettre la suite d’une expédition pour quelques orteils. Mon erreur a été de supposer que mes doigts de pieds allaient se réchauffer tout seuls. Que voilà une bonne leçon.
Le petit déjeuner est le même que les autres jours. Que la chaleur du soleil est douce après ces épisodes nocturnes.
Les porteurs s’impatientent, nous partons « polé polé ».
A chaque jour son étage de montagne, après la forêt tropicale puis la forêt chétive, nous naviguons entre de la rocaille parsemée de quels bosquets d’une herbe très dure et piquante déjà rencontré en Amérique du Sud.
Nous montons dans ce décor minéral et rocailleux des monts Lavatawa ornés de glace. J’adore ces sensations de dénuement, de vent qui siffle par rafales, la glace immaculée, de paroles qui se font rares.
Arrivé au col, Simon ne se sent pas bien du tout, un gros coup de barre. Notre petite tente est installée, nous y trouvons refuge. Simon s’endort, il est abattu. Il dira plus tard que même après 7 marathons et de copieuses préparations – des dizaines de kilomètres de course par semaine – il n’a jamais connu un tel coup de barre.
Je suis surpris mais pas inquiet. Je scrute chacune de ses réactions. Il retrouve quelques couleurs et avale quelques morceaux de poulet, un peu sous ma pression il est vrai. Il me semble qu’il cumule une vie professionnelle trépidante, un marathon rapide il y a six jours, un passage très rapide de 0 mètre d’altitude à plus de 4000m. en moins de quatre jours, … Allez donc savoir la part de chacun de ces facteurs.
Nous sommes en descente, l’effort est léger, Simon n’en revient pas de cette énorme défaillance.
Nous arrivons vers 15h00 au camp, 5h35 de marche (pauses incluses), D+ 823 m., altitude max. 4674 m.
Simon fait une sieste d’une heure. Ça va mieux. Nous lisons, nous nous reposons, bavardons. Nous décidons que Simon démarre un traitement au Diamox (voir plus loin les explications d’un médecin suédois).
Le décor de falaise est éclairé d’un superbe coucher de soleil. Des nappes de nuages animent l’espace. Nous avons un peu de réseau pour échanger quelques messages textuels et audios.
Une excellente soupe et un plat de pâtes revivifient Simon.
La nuit tombe vers 19h00 nous sommes au chaud dans la tente, lovés dans des sacs de couchage qui ne méritent pas leur nom. Mais ils sont moins pires que rien.
Dimanche 17/03 – jour 4 : de Barranco Camp à Karanga Camp
Outre les « sortie étoile », la nuit a été marquée par un réveil brutal. Un gros mal de tête symptomatique du Mal Aigüe des Montagnes et un oxymètre inférieur à 80%. Pour information, un oxymètre permet de mesurer le taux d’oxygène dans le sang. Par convention, il est à 100% en plaine pour un individu en bonne forme. La valeur de 80% n’est pas bonne, elle signifie que j’ai une capacité physique que de 80%. J’ai démarré le traitement au Diamox. Un Doliprane m’a permis de terminer la nuit dans de bonnes conditions.
Les guides ne sont pas pressés aujourd’hui, nous traînassons, la journée est particulièrement courte. Le soleil nous caresse en fin de petit déjeuner, c’est très doux.
Nous sommes au pied du Barranco Wall, 150 mètres de montée raide. Aucune corde n’est prévue ni nécessaire. Il faut y mettre les mains. Pour les initiés à l’escalade, disons du 3b, peut-être un passage en 3c (cotation d’escalade). Nous faisons la traditionnelle bise au rocher. Je m’amuse comme un petit fou dans ces 150 mètres.
La vue sur le canyon arboré est spectaculaire.
Au sommet de la montée nous surplombons une mer de nuage avec un bel éclairage, c’est une belle récompense. La suite de la journée alterne montées au rythme très lent qui est le nôtre depuis le début et descentes rapides. Je soupçonne Jastin de chercher à nous décrocher, en vain.
Nous arrivons au camp, 3h46 de marche (pauses incluses), D+ 456 m., altitude max. 4271 m. Nous sommes sur un très large plateau vers midi, nous avons une belle vue sur la vallée et distinguons des villes 3000 mètres plus bas.
Notre arrivée est saluée par une pluie fine. Le poulet-frite est avalé avec envie, il n’en restera même pas assez pour nourrir une fourmi.
Nous nous installons pour une après-midi de repos et d’acclimatation.
Dans l’après-midi, un groupe danse. Plusieurs marcheurs se rassemblent pour profiter du spectacle. Nous discutons avec trois suédois qui ont démarré la route Machamé en même temps que nous. L’un d’eux est médecin et qui plus est en fin de formation en neurosciences.
Il nous résume le Mal Aigue des Montagnes. C’est un simple problème de pression. Elle est forte à l’intérieur du crâne et dans les poumons et de plus en plus faible à l’extérieur à mesure que la pression atmosphérique baisse. Notre organisme essaie de compenser, ça le trouble fortement et génère différents symptômes tels que maux de tête – sensation qu’on a sur la tête un chapeau trop serré – nausées, perte d’appétit, vomissements, transit intestinal déréglé, voire délire, … Lors de l’ascension de l’Aconcagua, à 6000 m., mon voisin de tente avant été en plein délire, il tenait des propos incohérents. J’avais immédiatement appelé le guide. 5 minutes après, 2 guides le redescendait dans la vallée.
Le fameux Diamox est un médicament qui contribue à réguler la pression. Il s’avère très utile. Il a un effet négatif sur le niveau de Potassium qu’il convient de compenser avec du Diffuk.
En parallèle, au fil de la montée, l’oxygène se raréfie et rend chaque pas moins efficace. L’acclimatation permet à l’organisme de s’adapter à ces conditions notamment par la génération de globules rouges. Les guides jouent un tempo très lent dès le début des expéditions pour fixer un rythme de marche qui sera celui de l’ascension finale, à savoir, très « polé polé ».
Avec Simon nous décidons du traitement au Diamox pour nous deux jusqu’à la redescente du sommet.
Pour ceux qui ont suivi la saison 1, après plusieurs semaines dans l’altiplano en Amérique du Sud, je montais à 5000m. « les doigts dans le nez » car très bien acclimaté.
Le dîner est classique, la soirée calme tout comme la nuit.
Lundi 18/03 – jour 5 : de Karanga Camp à Barafu Camp
La nuit a été bonne, peut-être la meilleure depuis le début.
Nous n’avons qu’une montée de 600m. de D+ ce jour, pas plus que 3-4 heures de marche « polé polé » dans un environnement très minéral.
Nous sommes parmi les derniers à partir. C’est une journée d’acclimatation nous prenons notre temps.
Le terrain de graviers, cailloux, rochers est pentu. Notre rythme est lent et régulier. Avec Simon nous discutons. Faustin nous a rejoint, il se joint à notre conversation.
Nous faisons des images à tour de rôle.
C’est peu dire que nous ne sommes pas fatigués par cette « promenade » même si elle est à 4640 mètres à l’arrivée. Nous sommes au camp, 4h09 de marche (pauses incluses), D+ 203 m., altitude max. 4870 m. soit quelques mètres plus haut que le Mont-Blanc (4809 m.).
Un plat de riz avec de macédoine nous y attend, la saveur semble s’être dissoute dans les pierres qui nous entourent.
Une sieste est tout de même la bienvenue, même avec notre rythme lent, l’oxygène nous fait défaut.
Vers 15h00 nous faisons une dernière séance d’acclimatation qui se conjugue avec un repérage de l’ascension finale. Nous cheminons d’un pas guilleret et passons à 4810 mètres (l’altitude du Mont-blanc) au camp Kosovo. Une vidéo s’impose pour narguer les amis chamoniards. Nous redescendons en trottinant. L’environnement est parfaitement minéral. Nous distinguons les glaces éternelles de l’étage nival. Nous ne voyons toujours par le sommet du Kilimandjaro.
Nous dînons à 18h d’une platée de pâtes et Faustin vient nous faire le débriefing pour l’ascension finale. Dans un premier temps nous vérifions l’équipement pour le froid, sans doute du -15° que nous aurons à la montée.
Nous discutons ensuite de l’heure de départ pour l’ascension finale. Il faut habituellement 8h00 pour atteindre l’Uhuru Peak. Les autres groupes partirons entre 23h30 et 0h30. Faustin vise le sommet pile pour le lever du soleil et estime que nous marchons très bien, nous arriverons trop tôt si nous partons à minuit. Il n’a pas envie d’attendre dans le froid. Nous statuons sur un départ à 1h15. Nous serons donc les derniers à partir du camp.
Faustin s’est montré très rassurant sur notre capacité à monter au sommet, Nous nous endormons sereins vers 20h30,
Mardi 19/03 – jour 6 : de Barafu Camp au Sommet puis à Mweka Gate
À 23h30, un chanteur bien intentionné réveille tout le camp d’une belle voix puissante. Ça fait peu de sommeil. Au moins, nous avons le temps de nous préparer sans stress, de prendre un thé et quelques gâteaux secs.
A 1h15 nous démarrons dans la nuit noire. Le rythme est très « polé polé ». Nous étions convenus de courtes pauses le moins souvent possible. Nous sommes les yeux rivés sur les pieds du marcheur qui nous précède.
Le chemin n’est pas vraiment tracé. Faustin a plus de 200 ascensions derrière lui, il slalome avec aisance, comme dans son jardin.
Au bout d’une demi-heure j’ai les doigts gelés. Il fait plus froid que prévu. Mes petits gants sont largement troués. Tout en marchant, pendant environ dix minutes, je souffle fort sur mes doigts et les frictionne. Ils reprennent goût à la vie et demandent à continuer à la condition d’être protégés par des gants plus adaptés. Qu’à cela ne tienne, je leur offre même une chaufferette.
Notre marche est lente et continue, nous doublons des groupes qui commencent déjà à fatiguer. Nous les perdons rapidement de portée de lampe. La lune s’en est allée, le noir est intense. Malgré l’effort, le froid ressenti est piquant, même Simon qui n’a jamais froid, rajoute des couches.
Nous ne distinguons rien, la marche est mécanique, interminable, éprouvante.
À la faveur d’une pause du groupe de tête, nous nous installons en tête et filons. Faustin en est fier. Nous sommes dans le bon tempo pour le lever du jour puis du soleil. Ma lucidité baisse, ça tire, je surveille ma fréquence cardiaque pour éviter une surchauffe. Je demande un « polé polé » pour ne pas prendre le risque de la rupture.
La dernière demi-heure avant le Stella Point, lieu habituel de l’observation du lever de soleil, est vraiment pénible, le froid est intense, les pas se raccourcissent, encore un peu et on va reculer.
Le Stella Point est à 30 mètres, c’est très raide, mais nous savons que c’est gagné. Nous buvons rapidement un thé et reprenons notre marche vers le sommet.
L’Uhuru, le somment du Kilimandjaro, est à 45 minutes, sur un plateau. La lumière du jour nous dévoile un somptueux panorama, il ne fait que -15° et la chaleur du soleil se fait déjà sentir.
Une ivresse, une exaltation m’envahit, c’est tout simplement splendide, les sensations de froid de vent deviennent douces. L’humeur est guillerette.
Simon est arrivé le premier, en courant sur les derniers 50 mètres. Je suis sa voie. Qu’il est agréable et émouvant de se faire ainsi devancer par son fils.
A partir du camp Barafu, nous avons gravi le Kilimandjaro en 5h37, D+ 1213 m., altitude max. 5895 m.
Nous avons le sommet rien que pour nous quatre. Nous sommes arrivés juste à la bonne heure pour voir les prémices du lever de soleil puis son rayonnement d’une couleur chaude. La vue panoramique est géniale. Nous nous congratulons copieusement, avec gourmandise.
C’est génial un beau sommet de bon matin.
Nous ne restons pas plus d’une vingtaine de minutes là-haut. Nous engageons la descente d’un pas rapide.
Nous croisons les groupes qui sont au Stella Point puis les groupes qui sont encore dans la montée. Les mines sont de plus en plus défaites, beaucoup n’auront pas vu le lever du soleil au sommet. D’autres n’iront pas au bout de l’ascension.
Un jeune allemand a une grosse frayeur, une grosse douleur au ventre, il n’arrive plus à uriner, il se tord de douleurs, se bourre d’antalgiques. Sa mère, contactée par téléphone, ne veut pas payer l’hélicoptère (4000€). Il va récupérer et redescendra par ces propres moyens.
Une Écossaise est en détresse, elle n’a même plus la force de nous saluer quand on passe devant elle. Elle était pourtant si sympa les jours précédents. Elle est en couple, leur lune de miel est, disons, particulière.
Notre médecin est au bout du rouleau, il a 3 heures de retard sur nous, un de ses potes le pousse, l’autre lui porte son sac, il sue et il fait des tiers de demi pas.
Un couple d’américains mettra 12 heures pour atteindre le sommet.
Notre descente se passe bien. Arrivés au camp de base de l’ascension, nous mangeons un peu. J’y sieste mais suis réveillé par les porteurs qui démontent notre tente. Ils ne m’auront laissé que 15 min de récupération.
Nous prenons la décision de rentrer à Moshi le soir même, ça arrange tout le monde. Les porteurs pourront rentrer chez eux, la perspective d’une douche se profile, la première depuis six jours.
Mais il faut pour cela descendre de 2960 m. (D-). Tout va bien et nous filons dans la rocaille.
L’entrée dans la jungle est catastrophique. C’est très humide, ça glisse de partout, les racines et marches en bois sont d’une incroyable traitrise. Tous les quatre, nous galérons, glissons, tombons et nous sommes devenus des tortues. Ce sont les 2h00 heures les plus pénibles de l’expédition.
Enfin, un chemin gravillonné, nous sommes sauvés.
À la porte Mweka, nous obtenons notre beau certificat.
Le cuistot a préparé un poulet-frites, il n’en restera … rien. Les pourboires pour l’équipe seront donnés le lendemain.
Nous sommes maintenant véhiculés, c’est fini en fait. Je suis triste de quitter la montagne. Simon va rentrer en France, Bouh !
— Fin de l’expédition. —
Merci aux relecteurs : Lise Cailleteau et Simon Legroux
A très bientôt.
Marc @marclegroux.
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