HRP – Haute Route des Pyrénées, l’Intégrale

Pour rappel, la vidéo est disponible en suivant ce lien : https://youtu.be/L_L_Hb4ATsU ou directement ici :

Synthèse

La HRP Haute Route des Pyrénées, c’est génial !

C’est dur physiquement, dur moralement car on se perd facilement dans ce dédale de chemin (la HRP n’est pas balisée), ça emprunte des chemins durs (quand on emprunte un GR sur quelques kms on à l’impression de marcher en ville), aériens et souvent difficiles techniquement. Sans compter sur le brouillard, la pluie, les orages, les patoux, le vent, ….

Mais ça procure une incroyable connexion avec la montagne, la nature. Les rencontres avec les HRPistes sont riches. C’est dur de redescendre dans la vallée ou même de s’arrêter dans les refuges bondés. L’envie de marcher seul, au calme, le ventre souvent creux, sale, tard le soir et tôt le matin l’emporte et c’est extraordinaire.

J’ai rarement vécu un tel sentiment de liberté en montagne.

Vivement que je puisse faire la deuxième moitié l’an prochain !

Introduction

Cet article documente ma traversée des Pyrénées par la HRP – Haute Route des Pyrénées.

Il s’agit d’une traversée sur la ligne de crête, souvent proche de la frontière, et qui emprunte des sentes, ds chemins “noirs”, et parfois le GR10 côté France et le GR 11 côté Espagnol.

C’est un itinéraire non balisé qui fait appel à l’orientation sur la carte qu’elle soit papier ou numérique. Il existe de nombreuses variantes, chaque HRPiste définit son propre chemin en s’inspirant de traces proposées par d’autre HRPistes au premier rang desquelles figure Georges Véron qui a fait tracé un premier passage en 1968.

C’est une randonnée au long court difficile. Les orages de juillet sont légendaires et très fréquents. L’atmosphère y est souvent humide – notamment dans le pays basque – mais en contre-partie, les mers de nuages sont superbes. La faim tenaille à peu près tous les HRPistes, du fait d’un itinéraire sur les crêtes, les ravitaillement sont éloignées et le dilemme cornélien poids / nourriture penche souvent en faveur de la réduction du poids. L’absence de balisage nécessite une attention particulière d’orientation, tous les HRPistes se perdent plus ou moins longtemps, les retours arrières sont fréquents, sources de vexation et de perte d’énergie. Les passages de cols sont fréquemment difficiles techniquement avec des chemins ou sentes parfais inexistantes, la vigilance s’impose notamment pour le randonneur solitaire que je suis.

Mais c’est aussi une randonnée qui offre une incroyable connexion avec la montagne, les sensations visuelles olfactives, sonores, le ressenti du vent, de la pluie, de la chaleur, du froid y sont décuplées. Les rencontres de HRPiste sont le plus souvent très riches. Et que la montagne est belle.

Contrairement à la traversée des Alpes par l’itinéraire classique en 2021 et 2022, je ne connaissais que très peu les Pyrénées au delà de randonnées à la journée. Ce fût donc une belle découverte.

Pour des raisons d’agenda bien rempli, je n’ai goûté qu’à la moitié de la traversée en 2023, soit l’équivalent de 15 jours pleins d’une vie très intense dans la montagne. Puis, j’ai repris en 2024 pour 17 jours et demi et plonger dans la Méditérannée.

Motivations

Il m’a semblé évident qu’entre mes 3 saisons de Tour du Monde de l’Hémisphère Sud, la traversée des Pyrénéens s’imposait naturellement après celles des Alpes et celles des Andes en Amérique du Sud Cap-Horn à Quito en Equateur.

François Remodeau et Julien Pillot, m’ont donné l’envie, un grand merci à eux.

La solitude a été choisie et non subie, de plus j’ai été régulièrement en lien avec mes proches. Comme le dit Bruno Perrier GTAiste dans la vidéo GTA/GR5, “la solitude permet de très agréables moments méditatifs. En plus, la solitude permet une grande attention et concentration sur l’instant présent qu’offre la montagne.”

Impressions du marcheur solitaire

Plus encore que sur la traversée des Alpes, j’ai vécu ces 22 jours et demi de marche en forte immersion et connexion avec toutes les composantes de la montagne. Tous mes sens étaient très à l’écoute du milieu.

Les souvenirs visuels arrivent en premier avec des paysages à la fois variés et grandioses, la vue des crêtes sur la chaine des montagnes est très gratifiante et les quelques sommets gravis, très minérals, ont été spectaculaires.

En ces périodes de juillet, les odeurs étaient très présentes que ce soient les fleurs, les travaux pastoraux tels que les foins, ou l’intense vis pastorales du pays Basque.

La vie pastorale est omni-présente dans cette première partie de la traversée d’ouest en est. Les cloches résonnent encore en moi et la bande son de la vidéo témoigne de la présence de troupeaux, dans l’ordre, des moutons, des chevaux et des bovins.

J’ai bien sûr été très attentif aux sons de la montagne, les insectes et oiseaux, les ruisseaux et torrents, le vent et la pluie, les orages, … Ils constituent autant d’indications sur le milieu, la vie et sur la montagne. Ces bruits renseignent le marcheur toujours plus ou moins aux aguets. J’ai adoré lire le paysage à l’aune de ces sonorités si riches de diversité et d’intensité.

Même si j’ai croisé nombre de marmottes, la grande faune s’est laissée désirer sur le première partie et a été beaucoup plus présente sur la saison 2. En revanche, les vautours, grégaires, étaient très présents et parfois un peu inquiétants..

La rencontre de HRPistes et souvent l’occasion d’un bel échange. A voir pour s’en convaincre l’interview de Flore qui a des mots très justes sur la marche solitaire pour une femme et l’incroyable défi d’alpinisme que s’est lancé Julien Lacrampe. Jacques et Alain (79 ans) avaient une pêche incroyable, quel bel exemple.

Physiquement, la marche a été plutôt dure même si les dénivelés ont rarement dépassé les 2000 m. de positif (d+). Il convient de préciser que les chemins, parfois les sentes, sont beaucoup plus difficiles que sur un GR. En discutant avec d’autres HRPistes, nous avons convergé sur cette sensation de “trottoir de ville” quand nous marchions sur les GR10 ou GR11 et de chaos quand nous étions sur les autres chemins. 

La faim m’a tenaillée, j’ai perdu 5 kilos en 15 jours et ai conservé une sensation de faim deux ou trois semaines après ma descente dans les vallées. Chacun a sa méthode ; dépôt de nourriture, lyophilisé, colis, énorme poids, déroutage pour ravitaillement, … Je n’ai rien mis en place de tel, j’ai mangé dès que l’occasion se présentait, porté jusqu’à 3 kilos de nourriture et ai passé certaine journées très frugales. Et j’ai été victime d’un début de malaise.

Journal de Bord

Salut, je viens de traverser les Pyrénées d’Hendaye (Atlantique) à Banyuls (Méditerranée).

Par la fameuse HRP – Haute Route des Pyrénées ! 15 jours en 2023 et 17,5 en 2024 soit 32 jours et demi.

Hendaye a été le point de départ, sur la plage.

J’étais un peu fébrile, Julien et François, amis CAFistes et HRPistes, m’avaient prévenu, à la fois sur les difficultés et sur l’immense plaisir de cette traversée.

La brume humide s’est invitée dès le premier jour dans ce Pays Basque dont il est dit qu’il est impossible de le traverser au sec. A peine démarré que j’étais déjà à naviguer en l’Espagne sur le GR11. Une halte chez un ami à St-Jean-Pied-de-Port m’a amené à basculer sur le GR10. Les paysages étaient sublimes, puis la pluie s’ait invitée, puis la brume épaisse. Selon mon ami, le Jour-5 devait être le plus beau, quelles splendeurs ! Et ces Cromlechs d’Okabé sous le soleil, la nature et la culture y sont réconciliées.

Le survol de nuages de vallées était un mirage de la Méditerranée. De marcher dans d’effroyables éblouis de gros bloc désordonnés m’a vite fait redescendre sur terre. A défaut d’avoir gravi le Pic d’Orhy embrumé, j’ai savouré la montée au Pic d’Anie. La vie pastorale m’a offert de belles rencontres et des images simples et somptueuses.

Julien Lacrampe, alpiniste rencontré de bon matin, m’a offert une tasse de thé. Son projet de course d’arêtes pour suivre la frontière en solo était particulièrement engagé et périlleux. Il était très calme, rassurant mais je n’ai pas pu m’empêcher de craindre pour lui. Il a mené à bien sur projet, un grand bravo à lui.

Aux abords du refuge d’Arrémoulit, Flore, une Harpiste belge m’a demandé de marcher un duo. D’un prime abord, je n’étais pas chaud. Et puis ses arguments de sécurité et son enthousiasme m’ont convaincu. Nos échanges ont été très riches.

Ha le Pic du Petit Vignemale, quel plaisir de se faire un 3000 mètres, juste en passant, comme ça, pour le fun.

Dans le brouillard, dans des pentes abruptes, j’ai perdu la minuscule sente que je suivais. Pendant plus de 2 heures, j’ai navigué entre de gros rochers et vers les 4 points cardinaux. Le moral en a pris un coup. Hagard, j’ai pris ma boussole, je suis remonté plein Nord dans une belle pente. J’ai enfin retrouvé une sente qui m’a ramené à ma sente de départ.

Le massif des Posets m’a fait de l’œil, baigné d’une belle lumière de fin de journée. Un long chemin en balcon m’a offert une vue splendide sur ces facettes. La montée au Col Port d’algues a été périlleuse et délicate. J’ai bivouaqué dans le vent et la pluie. La descente était tout aussi délicate que la montée, peu de cairns, des barres rocheuses, pas de traces, …. L’arrivée au refuge de la Soula m’a permis de me sustenter et de récupérer. J’en suis parti avant midi pour rejoindre la vallée, la saison une était close.

Pour la saison 2 (juillet 2024), les conditions météo et d’enneigement ont été dantesques dans le secteur : Soula – Portillon – Litérole – Molières beaucoup de neige et de névés plus ou moins stables, orientation masquée, crampons piolet obligatoires, … Ça l’a fait avec précautions pour les deux premiers cols d’un blanc immaculé et de lacs bleutés. A 400m du sommet du Molières j’ai renoncé. Des Espagnols qui redescendaient m’ont informé de conditions délicates en solo et chargé.

La vue de l’Aneto a suffi à mon bonheur. Toujours en Espagne, j’ai avancé dans un dédale de lacs dont le Lac de Mar, réputé le plus beau des Pyrénées. Un environnement très calme et solitaire.

Les étapes suivantes se sont ressemblées, aériennes, solitaires, ponctuée par la rencontrer d’une faune de petits cervidés en fin de journée. La série de 4 lacs creusés dans des grès rouges et qui mène à la tente refuge Mont-Roig (non gardée) m’a enchantée.

Un soir de mauvais temps, je me suis arrêté au refuge de Certascan pour une collation-dîner-petit déjeuner dont j’avais plus besoin que je ne le pensais.

De chemins en lacs, je me suis retrouvé à descendre les « pas de l’enfer », aussi appelé le Col Lartigues. Il en dissuade plus d’un, il m’a exceptionnellement fait descendre à 1000m. d’altitude.

Par de beaux sentiers plus faciles, je suis repassé en Espagne au Port de l’abeille dans une ambiance plus forestière. Puis je suis passé en Andorre.

Mon corps m’a lâché, il a crié très fortement famine. Crampes d’estomac, douleurs dans les bras, plus moyen de marcher, moral atteint, doute sur ma capacité à continuer sur la HRP, …

Avec de maigres réserves tirées du sac, j’ai réussi à rejoindre une auberge où après deux heures de repas / repos, j’allais mieux.

La faim est sans aucun doute le sujet le plus délicat sur la HRP. Julien et François m’avaient prévenu. Ils avaient raison. Je dépensais plus de 3000 calories par jour, se nourrir est un gros souci en semi-autonomie.

Le Pas-de-la-Casa a été une épreuve, le Col du Puymorens bien triste dans un brouillard épais. Les Pyrénées Catalanes ont été belles et solitaires. Le Carlit est un très joli sommet, la rando des 9 lacs est bucolique, les 15kms de crêtes ont été magique, je me rappelais la connexion avec le cosmos chère aux Andins d’Amérique du sud, je me sentais en apesanteur.

A Bolquère, je me suis (enfin) séparé de 3kg de matériel devenu inutile : crampons, piolet, vêtements, appareils électroniques, réchaud, … avec un sac de 8,3 kg (sans la nourriture et l’eau), je me suis senti pousser des ailes avec des journées à plus de 30kms.

Par une belle fin de journée, j’ai traversé une vallée « des Isards », ils étaient au moins 50, certains jeunes à moins de 10 mètres.

La lumière tôt le matin au Canigou était magique. Un jeune homme y a fait sa demande en mariage à sa compagne, c’était émouvant. Ils ont rejoué la scène pour que je leur fasse une vidéo, elle leur plaît beaucoup de ce qu’ils m’ont écrit.

Un monstrueux orage est tombé sur les Pyrénées orientales, les médias s’en sont fait l’écho. J’ai attendu 2 heures au bistrot et puis je suis parti sous la douche. La grêle était immaculée, mes chaussures-piscine. Le soleil est revenu et le vent a séché tout ça. Le chemin des migrants a été source de réflexions sur les migrations de fuite des dictatures.

J’ai avalé l’avant dernière étape à fond de train, je voulais arriver avec 31,5 de traversée, allez savoir pourquoi. Ma dernière nuit a été courte, dans les broussailles avec des rafales de tramontane qui me rappelaient (un peu) la Patagonie.

La descente au lever du jour vers Banyuls a été agréable. Signe de relâchement, je suis tombé sur un chemin facile et ai cassé un brin de bâton de marche.

Clap de fin à la Mairie pour la photo finale à 11h, bain de mer, certificat à l’office du tourisme.

J’ai fait quelques belles rencontres humaines, vous les verrez les images animées que vous trouverez en recherchant HRP Marc Legroux sur la toile.

Dates

Du 12 au 27 juillet 2023  puis du 06 au 24 juillet 2024, soit 32 jours et demi en solo et semi-autonomie

Les nuits à la belle étoile m’ont bien sur procurées les meilleures sensations. La voûte céleste est superbe, parfois même inquiétante de densité. Les réveils (fréquents) en milieu de nuit sont toujours des instants magiques.

Tableau des étapes

En synthèse :

  • 974 kilomètres,
  • 48 884 mêtres de dénivellé positif
  • Nuits : 18 en bivouac, 8 en cabane, 4 en refuge, 2 en auberge

Le tableau des étapes est “brut”, ce sont principalement les données fournies par la montre Garmin en relevé “Randonnée” que je démarrais lors du premier pas le matin et que j’arrêtais le soir à l’étape.

  • “Journées” : la première étape, démarrée en début d’après-midi à Hendaye est considérée comme une demi-étape, de même pour la dernière étape de la saison 1 à la Soula) qui s’est arrêtée à midi ce qui fait 15 journées de marche
  • “Distance” : total de la marche de la journée
  • “Ascension (D+)” : dénivelé positif cumulé
  • “Temps dépl” : temps de déplacement calculé par la montre Garmin, il s’agit du temps en mouvement (marche), les temps de pauses sont donc décomptés

AVERTISSEMENT : pour une trace effectuée, les données de distance et de dénivelé sont invariantes et sont donc des références. En revanche, les données de durée, de temps et de vitesse ne sont que purement indicatives.

Il est à noter que certaines étapes ont été vraiment longues ; plus de 10 heures de temps de déplacement auxquelles s’ajoutent les temps de pause, de prises vidéo, de préparation du départ et de bivouac du soir.

Les journées qui cumulent dénivelé (D+) supérieur à 2000 m. et plus de 30 kms sont exigeantes.

NB : les traces GPX de chaque étape sont disponible sur demande.

Équipement

En synthèse :

  • Un sac permettant un portage confortable (pour 10h00 de marche) de 15 kg (le poids a oscillé entre 08,5 et 13 kg, des bâtons de marche (dont l’un sert aussi de pied photo et les deux de mas pour la tente tarp), une hard-shell 3 couches que je porte très souvent, un sur-pantalon Goretex (nb : je n’emporte jamais de poncho mais plutôt un grand sac poubelle découpé).
  • Une tente 1 p. chambre, un sac de couchage duvet 0° confort (-5 extrême), un sur-sac (pour la belle étoile), un matelas gonflable
  • 2,5 l. d’eau, pastilles pour purification en cas de doute, lyophilisés pour quelques jours, réchaud, gamelle, nourriture des ravitaillements, barres de céréales
  • Sécurité : sifflet, boussole, couverture de survie, lunettes glacier, 2ème smartphone, pharmacie, couteau Suisse, mousqueton, cordelettes, …
  • Effets personnels dont une doudoune chaude pour les soirées

Quelques avis et retours d’expérience

  1. Sécurité : communication, urgence
    Sur la HRP, la communication avec un GSM est réduite, largement moins de 50% du temps selon mes observations. Même sur les services d’urgence du 15, 17, 18, 112, 114 en mode multi-opérateur, n’offrent pas de solution.
    Pour le randonneur solitaire immobilisé, il n’y aura d’autre solution que d’attendre le passage d’un randonneur. Ce qui suppose de ne pas s’être écarté du chemin.
    Un soir où j’ai craint mettre fait une entorse je me suis inquiété du sujet. Après différentes recherches et échanges avec des randonneurs avertis ou des guides, je me suis acheté une balise satellitaire (InReachMe de Garmin)) qui inclut la possibilité d’un abonnement à un service d’urgence 24/24 sur tous les continents (sauf arctique et antarctique). C’est cher mais la sécurité a-t-elle un prix ?
  2. Autonomie électrique
    C’est un point très important de garantir cette autonomie. J’avais fait le choix de ne pas emmener de cartes papier et de numériser les topo-guides. J’ai été autonome avec un capteur solaire qui alimente en permanence une batterie (power bank) de 10 000 mA ou les accus de l’appareil photo. Ce capteur assure la recharge : des batteries de l’appareil photo/vidéo, le smartphone, la montre, la frontale.
    Tout à bien fonctionné sauf une fois où après 3 jours très peu ensoleillés j’ai été obligé de faire une pause dans un refuge pour recharger.
  3. Optimiser le transport de l’eau et l’alimentation
    Au fil de l’eau 😉 j’ai optimisé le volume transporté, l’eau est très présente dans la première moitié ouest de la HRP.
    Pour l’alimentation, voir le commentaire “faim” ci-dessus.

Par Marc Legroux