TdM – Amérique du Sud – Pérou, Camino Inca et Machu Picchu

Épisode 11b : Camino Inca et Machu Picchu

Préambule

Le Camino Inca est un chemin qui était emprunté par les pèlerins pour se rendre au plus important site sacré de la civilisation Inca, à savoir, le Machu Picchu.

Il est inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO et, de ce fait, est très protégé. Il ne peut être emprunté que dans un cadre très strict qui comprend : un ou plusieurs guides assermentés, une équipe de porteurs et cuisiniers, des lieux de camping définis, des règles strictes, par exemple sur la gestion des déchets. J’ai pris la variante complète de 4 jours et 3 nuits avec le portage par moi-même de mon sac à dos.

Ce trek est fabuleux car il remplit largement les trois dimensions :

  1. Les humains : j’ai eu la chance d’avoir Hipolito, un guide, pour moi tout seul et à temps plein pendant 4 jours. Nous avons beaucoup échangé, j’ai posé toutes les questions que je voulais et nous avons bien rigolé. J’ai aussi échangé avec les porteurs, et notamment avec leur chef Izequiel, ils m’ont pris en sympathie vu l’état de délabrement des mes chaussures de marche !
  2. La montagne : les paysages sont grandioses et variés, le col le plus élevé est à 4250 mètres ;
  3. La richesse culturelle : il y a plus d’une dizaine de sites qui parsèment les 3 premiers jours de marche. Le dernier jour, l’arrivée par la porte du soleil du haut offre une plongée vers le fabuleux site du Machu Picchu. La visite guidée du Machu Picchu est très riche car elle et en cohérence avec les explications des 3 jours précédents.

Le texte ci-dessous constitue une description du Camino Inca à la manière des récits de voyage des explorateurs tel que le célèbre Ernest Shackleton et son équipe. Ce texte a été écrit chaque soir, à l’étape en tente.

C’est à toi, chère et cher lecteur d’imaginer ce chemin, ses sites et les rencontres, tu en découvriras la version en image dans quelques jours.

NB : Ce contenu a été remanié par François Remodeau puis revu par Lise pour corrections.

La carte interactive du Camino Inca.

ZOOMEZ, vous découvrirez le détail de l’itinéraires.

NB : Le 4ème jour, j’ai oublié d’activer la trace sur ma montre en début de marche, j’ai rectifié en créant quelques points, les segments droits nécessiteraient une mise à jour plus précise, désolé.

Point de vue très personnel sur la civilisation Inca (ou Inka)

Ha ! Les Incas, que n’ai-je pas entendu !

J’arrive sur le Camino Inka (chemin Inca) avec une opinion négative. Cette opinion, toute personnelle, s’est forgée au fil de discussions avec des sud-américains, de lectures et de visites de nombreux musées.

Si je devais résumer en trois points, je dirais : c’est une civilisation dominée par une noblesse toute puissante ; elle installa son hégémonie par des moyens brutaux, quand c’était nécessaire ; elle pratiqua l’usage des sacrifices humains. On est loin de la déclaration des droits de l’homme.

Il faut reconnaître aux Incas une maîtrise certaine et surprenante de l’architecture et de l’urbanisme. Plus encore, l’organisation et la gestion d’une fédération très organisée de peuples de cultures très diverses. Et une structuration sociale et éducative permettant à chacun de faire face aux coups durs. Par exemple, en cas de famines, les réserves de nourriture étaient mutualisées et réparties.

Voilà où j’en suis de mes réflexions en ce 1er Mars, date de réouverture du Camino Inka. J’arrive au Pérou après une vague de protestations populaires, démarrée le 7 décembre 2022, et la fermeture annuelle habituelle du chemin, au mois de février 2023.

A l’issue d’un trek de quatre jours, je visiterai quelques lieux incontournables de Cuzco, ville située au cœur des territoires Incas, sans oublier le célèbre musée Inca.

J1-Piscacucho (point d’entrée du chemin) – Huayllbamba – 1er Mars

Comme convenu, Hipolito vient me prendre à ma location à Cuzco, il est 5:30.

Nous descendons la colline pour rejoindre un mini-bus, son chauffeur et un porteur. Le véhicule se dirige ensuite vers ce qui semble être un lieu d’embauche, afin de prendre d’autres porteurs. Le bus se remplit d’une dizaine de personnes, ce qui fait dire à Hipolito, sur un ton blagueur, que j’ai dix porteurs pour moi tout seul. L’hilarité envahit le bus.

Les porteurs, d’âges très divers, parlent entre eux en Quechua. Ils ne sont pas – comment dire ? – « tirés à 4 épingles ».

Nous roulons sur une distance de 75 kilomètres. Un petit déjeuner permet de retrouver neuf autres randonneurs. C’est un groupe de Suédoises et Suédois, âgés de 11 à 65 ans.

En fait, nous formons deux groupes distincts : les Suédois et leur guide d’un côté, Hipolito et moi-même de l’autre. Les guides et cuisiniers sont mutualisés pour les deux groupes. Dit autrement, j’ai un guide pour moi tout seul. Ce qui me ravit !

Dix kilomètres de chemins nous mènent au centre « Camino Inka – Inka trail ». Branle-bas de combat : un événement médiatisé a été organisé ici, après la longue fermeture du Camino Inka et du Machu Picchu, depuis près de trois mois. La vice-ministre du tourisme est là. Micros et prises de paroles, procession des responsables du parc et de la région… tous remercient, y compris nous les touristes, et passent leurs messages. Une cérémonie de Pachamama, est organisée, au cours de laquelle nous sommes invités à remettre des feuilles de coca au maître de cérémonie.

Nous nous dirigeons vers le guichet d’entrée où l’on vérifie nos passeports. Pour rappel, le Camino Inka ne peut être emprunté sans un guide autorisé, avec une logistique imposée et une agence accréditée. Le passage au Centre d’interprétation du Camino Inca est rapide. Il permet néanmoins d’avoir un bon aperçu de la végétation et de la faune présentes aux différents étages de la montagne. Un dernier contrôle : nous voilà sur le fameux chemin des Incas.

Les premiers kilomètres sont banals : un large chemin de terre et de cailloux, emprunté par des piétons et motos. Tout change après trois kilomètres : une vue plongeante sur les premières constructions du site Inca Qhanabamba. Les ruines d’un hameau Inca sont bien visibles. De gauche à droite, on distingue la maison du chef du hameau, six maisons plus petites et, légèrement en contrebas, un espace dédié aux servitudes agricoles. A une centaine de mètres de l’enceinte du hameau, en surplomb, se dressent cinq constructions circulaires. Ce sont des greniers à céréales et pommes de terre déshydratées.

La marche se poursuit tranquillement. Je propose à Hipolito de n’a pas s’arrêter aux petits étals que des habitants ont improvisés. Mais Hipolito me fait comprendre que nous devons marcher « tranquillo » : si nous progressons trop vite, les porteurs-cuisiniers n’auront pas le temps de prendre assez d’avance pour préparer les repas.

La végétation est très riche et généreuse. Beaucoup de plantes ont un usage alimentaire ou médicinal. Comme d’habitude, je suis perdu avec les noms. J’insiste auprès d’Hipolito pour qu’il me les donne en Espagnol, mais il bascule très vite en Quechua…

Le détour d’un chemin nous procure une très belle vue sur les vestiges du chef-lieu de la province Inca. Une enceinte de pierres, de belles terrasses, de nombreuses maisons pour des familles. Le grenier est juste à côté de nous. Nous surplombons la cité d’une centaine de mètres. Hipolito détaille cet édifice vertical (reconstruit) : outre d’imposants greniers, il comprend aussi des maisons destinées à loger une petite garnison, ainsi que des familles. Toutes les constructions Incas possèdent des murs inclinés, entre 7° et 10°, afin d’améliorer la résistance en cas d’événements sismiques.

Au détour de la conversation, je découvre qu’Hipolito est un descendant des Incas. Il en est très fier. Je ferai attention à la manière de poser mes questions.

Un peu plus loin, les porteurs-cuisiniers s’affairent. Le menu est constitué de soupe, puis de truites pêchées dans la rivière en contrebas. C’est très bon, et servi avec une belle présentation. Je déjeune avec Hipolito dans une petite tente, dressée spécialement pour nous. De leur côté, les Suédois font de même. D’allure sympathique, ils conversent avec moi pendant la préparation du repas.

Après une courte sieste, nous repartons pour l’ultime étape de la journée. Le chemin est globalement montant. Il suit un ruisseau qui coule puissamment. Nous croisons les habitants des alentours.

A notre arrivée, les porteurs sont déjà en pleine activité du montage des tentes. Puis, ils s’affairent à la cuisine pour préparer le goûter et le dîner. Nous nous lavons au robinet d’un petit terrain « à la française » – c’est une expression d’ici qui signifie une petite toilette au gant.

Le goûter et le dîner sont servis pour nos trois groupes : les porteurs et cuisiniers, les Suédois, Hipolito et moi-même. La cuisine est excellente et les échanges avec Hipolito intéressants.

20:40 : le temps est venu de dormir, car demain, le lever se fera à 5:30.

J2-Huayllbamba – Pacaymayo – 2nd Mars

Comme convenu, Hipolito vient frapper à ma tente : je m’étais rendormi ! Il m’indique que je dois vider la tente. Les porteurs doivent les démonter, ranger tout le matériel et prendre de l’avance sur les trekkeurs, afin de partir installer le camp suivant.

Nous discutons autour d’un petit-déjeuner très complet : un beau plateau de fruits frais, des pancakes au chocolat, de l’avoine, du yaourt, du thé avec des feuilles de coca, du porridge…

7:00 du matin : nous nous engageons sur le chemin, encaissé entre de hautes montagnes, verdoyantes et arborées.

Nous passons devant un point de contrôle. Un employé tend son registre à Hipolito, qui doit indiquer qu’il est passé ici avec des touristes, et montrer sa licence. Le contrôleur donne l’impression de s’ennuyer fermement.

La montée réputée la plus dure du Camino Inka est, pour cette partie, en pente douce, bordée d’arbres de deux à quatre mètres de hauteur, sur un chemin régulier. Nous convenons que j’irai à mon rythme et qu’Hipolito fermerait la marche. Fidèle à mes habitudes, je ne m’arrête que toutes les 50 minutes pour 10 minutes de pause. Une marche assez lente, régulière, des odeurs de fleurs changeantes et variées. Voilà une marche bien agréable !

Seconde pause. La végétation s’est faite plus lilliputienne, les arbres ont disparu. Le fond de vallée où notre camp était installé la nuit précédente est minuscule. Nous sommes 600 mètres plus haut. Hipolito me rejoint. Il était en grande discussion avec l’un de ses confrères qui a, me dit-il, de plus en plus de mal à supporter l’extrême lenteur des touristes. Ça me rappelle certaines discussions et fous rires avec un guide du Parc Torres Del Paine au Chili, qui craquait pour les mêmes raisons.

Parmi le groupe des Suédois, le plus grand et fort, d’un physique de rugbyman, nous double puis s’arrête. Puis nous double et s’arrête, puis… Sa copine essaie de suivre, son souffle se fait de plus en plus court.

Le chemin devient par endroits un escalier, avec des marches de 20 à 30 centimètres, irrégulières. C’est de plus en plus raide. Je marche lentement, en zigzaguant sur les marches au besoin. Les « bougresses » de mes treks au Népal me reviennent en mémoire !

NB : Bougresses : nom dont j’avais baptisé les marches en pierre, au Népal. J’en avais tellement vues que je m’étais mis à leur parler, pour tenter de les amadouer.

Troisième pause : la végétation est rase, une sorte de steppe d’altitude. Pour une altitude équivalente, elle est beaucoup moins vivace que celle du Pichincha, aux alentours de Quito, en Equateur (voir épisode précédent). Un couple d’argentins perçoit mon accent Français (ils vivent au Québec). Nous engageons la conversation, mi-espagnole mi-française. Ils sont gentils, comme la plupart des québécois savent l’être. La même gentillesse que celle ressentie auprès de sud-américains. C’est tellement agréable !

Je m’arrête à l’altitude de 4000 mètres pour faire quelques images. Les québécois me rejoignent. J’en profite pour faire une vidéo de leur premier 4000 mètres. Ils sont émus.

Le chemin est devenu très raide, la hauteur des marches s’est accentuée. L’altitude, au-dessus de 4000 mètres, se fait ressentir. Grâce à mon acclimatation et mes réflexes de marche lente acquis, le col Warmiwanuska est atteint facilement. La vue baignée par la brume est magnifique. C’est le point le plus haut du Camino Inka. Nous prenons des images, avec Hipolito et Izequiel, le chef des porteurs. Nous avons mis 4 heures d’ascension, dont 30 minutes de pause, pour un dénivelé positif de 1170 mètres.

Les nuages montent. Nous descendons pour notre part de l’autre côté du col, par un chemin en escaliers, extrêmement pentu. Certaines marches dépassent 50 centimètres. Les personnes de petite taille sont largement défavorisées. Hipolito semble souffrir des hanches et des genoux. Il n’en souffle mot.

Hipolito reprend la discussion avec un autre guide. Il attend lui aussi ses clients. Je les devance, afin de prendre le temps de contempler, échanger avec les porteurs, capturer des images.

La vue lointaine, sur la vallée encaissée, est superbe. La lumière change au gré de la danse des nuages rasants. A l’approche du camp, je m’arrête pour attendre Hipolito : j’ai choisi un spot que je ne me lasse pas d’admirer.

Nous sommes en avance au camp. Tous les porteurs ne sont pas arrivés, et l’agitation est forte. Je m’éloigne pour un petit repos, à l’ombre, avec la danse des nuages comme spectacle.

Un excellent déjeuner est servi vers 15:30. Hipolito me parle des manifestations populaires qui ont débuté en décembre. Même si leur incidence sur son activité professionnelle est très forte, il les soutient. Pour lui, l’actuel gouvernement n’a aucune légitimité.

Après le trop copieux déjeuner, j’enchaîne avec une petite sieste. Plus tard, je sauterai l’étape goûter, afin de partir vers un mirador exceptionnel, qu’Hipolito m’avait indiqué.

Le dîner du soir est, encore une fois, un régal. L’heure est venue de récupérer de cette belle journée de marche sur le Camino Inca.

J3- Pacaymayo – Intipata – 3 Mars

Lever à 5:30. Comme d’habitude, la consigne est de libérer la tente au plus vite, pour que les porteurs préparent leur package et partent les premiers.

La vallée est superbe, plusieurs étages de nuages cachent en partie la montagne.

Le petit déjeuner change tous les jours ! Ce matin, chocolat chaud et tortilla ! Nous devisons avec Hipolito. Il a envie de lever le camp rapidement, sans doute pour devancer les Suédois, qui sont bruyants.

Nous sommes en chemin de bonne heure. Nous nous arrêtons au poste de contrôle, où une pesée des déchets d’un autre groupe est en cours. La règle est que, sur le chemin, rien ne doit être laissé sur place. Avec Hipolito, nous nous pesons, pour rigoler, les rangers du parc font de même, l’ambiance est détendue.

Nous nous dirigeons vers le premier site Inca de la journée. Ça monte raide, dès le début du chemin. Il s’agit d’un point de vigie, qui servait à surveiller les différents accès de la vallée et les chemins. De fait, la vue est très large, grandiose. Le site, assez petit, était exclusivement réservé à cet usage de surveillance.

La pluie s’invite, elle est drue. Après quelques minutes d’hésitation, nous enfilons les ponchos. Hipolito préfère attendre que ça passe. En vain. L’ascension vers le premier col reprend, au milieu d’une végétation dense. Le chemin comporte des escaliers, mais les marches sont de taille raisonnable. Malgré tout, la pluie a rendu les pierres glissantes, la prudence s’impose.

Nous arrivons au col Runkurakay dans le brouillard. Dans la descente, nous observons un lac d’altitude, bien rempli en cette saison pluvieuse.

Plus bas, se trouve un imposant site Inca, sacré. Dressé sur un piton rocheux qui domine la vallée, il est exclusivement dédié à la religion. On y accède par une montée particulièrement raide, en à-pic, avec un escalier de pierres lisses.

Hipolito m’explique que tous les sites sacrés sont ainsi bâtis : sur un piton rocheux. Un petit promontoire y est construit, pour les offices. L’habitation du prêtre et de sa famille est tout petit, environ trois mètres sur cinq. Des encoches dans la pierre indiquent à quelle place se trouvaient les lits. Il n’y a pas de fenêtre. De même, la cuisine est minuscule, de un à deux mètres de côté. L’habitation du noble est beaucoup plus spacieuse, avec des fenêtres percées dans les murs. Mais selon Hipolito, l’autorité supérieure du lieu était le religieux, pas le noble. Cette visite détaillée me prépare fort bien à la visite du Machu Picchu, prévue le lendemain.

La pluie s’est dissipée ; le soleil est revenu. La végétation autour du chemin est luxuriante. C’est presque une jungle, avec des plantes grasses et de beaux arbres. Le sentier en balcon est très agréable, avec vue sur les sommets couverts de glaces. Les nuages qui jouent à cache-cache avec la montagne rendent le paysage splendide.

Nous arrivons à un troisième col. Le déjeuner est en cours de préparation, les cuisiniers ont mis leur tenue blanche pour venir nous servir un repas incroyable. Remerciements et photos s’imposent. Nous y retrouvons les rangers qui sont en inspection.

La discussion sur les événements actuels au Pérou et sur la répartition des richesses se prolonge. Les Suédois sont partis depuis déjà trente minutes lorsque nous reprenons la marche.

Nous arrivons sur un autre site sacré, plus imposant que le précédent. Il domine toute la vallée. Un site incroyable. Nous voyons la montagne Machu Picchu, mais « de dos », car la ville sacrée est de l’autre côté. Les marqueurs d’un site sacré tel que ceux visités jusqu’à présent, se répètent ici, mais en plus grandiose.

Le chemin qui descend est très raide, avec de grosses marches. La végétation y est luxuriante. Une partie du groupe suédois est à la peine.

Une série de terrasses est visible du chemin. De loin, elles sont superbes. Nous y arrivons pour les parcourir. Le travail réalisé ici est immense. En descendant vers le camp, nous discutons, avec Hipolito, des civilisations pré-Incas, de l’origine des Incas et du rayonnement de leur culture.

Même si elle est froide, la douche fait du bien. Je passe l’étape du goûter. Le dîner, toujours aussi excellent, c’est le dernier repas que nous prépare l’équipe. Il se termine par un gros gâteau. C’est aussi le moment de donner un pourboire, en main propre, aux cuisiniers et porteurs.

J4- Intipata – Machu Picchu – 4 Mars

Lever à 3:30 : « ça pique un peu ». Il faut libérer la tente rapidement. Les porteurs prennent un train, réservé aux locaux. Les touristes sont dans un autre train.

Après dix minutes de marche, grande pause d’une heure trente. Tout simplement pour attendre, assis, car l’entrée du Machu Picchu ne se fait pas avant 8:00.

Je termine la rédaction de mon journal de la veille, puis discute avec le couple de Québécois.

La marche reprend dans une nature luxuriante. Le jour pointe vers 5:40. J’avais fait un pari, avec Hipolito,, sur l’heure du lever du jour. Lui, disait 6 heures. Moi, 5 heures trente. En gentlemen, nous déclarons match nul. La trentaine de personnes avec qui nous avons attendu, dans un sas, forme un groupe très serré, la marche est désagréable. Nous arrivons au pied d’un escalier très, très pentu, beaucoup y mettent les mains, certains se font porter leur sac.

C’est avec une grande émotion que nous franchissons la porte du soleil « du haut ». Je n’y croyais plus tant les péripéties ont été nombreuses au cours des deux derniers mois qui ont précédé ce jour.

Les nuages sont de la partie. Ils laissent entrevoir les montagnes en forme de pain de sucre qui dominent le Machu Picchu. Avec Hipolito, nous décidons de quitter l’attroupement afin de retrouver du calme lors de la descente. Les nuages se dissipent, la vue est superbe. Les oiseaux s’en donnent à cœur joie. Je reconnais le chant du colibri ; pour sa part, Hipolito en connaît beaucoup plus. Nous nous arrêtons pour commenter certains édifices, notamment la pierre qui représente le monde ; elle est aussi dédiée au Condor. Cet immense oiseau est un symbole clef pour tous les pays d’Amérique du Sud que j’ai visité.

Aux premières terrasses du Machu Picchu, les lamas paissent tranquillement. L’herbe y est bien entretenue. Le cœur de la cité est encore dans les nuages, mais il est dit qu’elle va se découvrir rapidement. Nous nous installons pour attendre. Notre patience est vite récompensée, la cité se dévoile mètre après mètre. Quelle vue ! Enfin, la fameuse cité du Machu Picchu apparaît dans un doux brouillard, puis se dévoile totalement. Quel saisissement !

Les appareils photos et caméras crépitent, les selfies aussi. Dans l’agitation, j’oublie de prendre un selfie : je n’aurai pas ma tronche devant le Machu Picchu… Pas grave, je reviendrai !… L’essentiel est de prendre le temps d’admirer.

La visite commentée, toujours en espagnol, peut démarrer. Elle me demande une attention soutenue. Les marqueurs essentiels observés sur d’autres sites, les jours précédents, sont les mêmes : la pierre sacrée, des temples religieux, des habitations de la noblesse Inca, de l’artisanat, des agriculteurs. Les constructions sont faites de pierres sèches, taillées au millimètre, assemblées une à une. Elles sont gigantesques et très impressionnantes. La gestion de l’eau, acheminée par un aqueduc depuis la montagne, est très sophistiquée. Les terrasses sont renforcées, pour éviter les éboulements… Quel haut niveau d’architecture et de précision ! Un travail colossal, sans aucun recours à la force animale.

Les trois mondes de la cosmologie andine se retrouvent partout : Uku Pacha, « le monde d’en bas », il est localisé dans la terre, sous la surface, le serpent le symbolise, Kay Pacha est le monde où la vie se crée, il est symbolisé par le puma et Hanan Pacha « le monde d’en haut » où vivent le soleil et la lune, il est symbolisé par le condor.

Nous avons juste le temps de monter au sommet de la cité, afin de découvrir le Tempe du soleil ; le plus prestigieux parmi tous les autres. C’est ici que se pratiquaient les rites sacrés les plus importants. La visite se termine par un parcours au milieu les terrasses de jardins potagers et les ateliers des artisans de la cité.

Sortant de la cité, nous prenons un café en discutant. Un bus nous emmène ensuite vers Aguas Caliente, pour un dernier déjeuner de concert.

Hipolito repart par le train réservé aux locaux ; moi par celui réservé aux touristes. L’écart de prix est d’environ « fois 20 ». Je suis assis dans un carré de quatre, avec trois indiens d’Inde, qui travaillent au Canada. Ils sont en congé. Le train longe le rio Vicanota, encaissé dans une vallée profonde.

Des images se fixent dans ma mémoire !